Une de mes dernières lectures de cette année 2008 bouleversante teintée d'un humour noir et tendre pour ne pas chavirer dans le pathos.
« J'ai eu envie de raconter l'aventure qui m'est arrivée, c'est-à-dire deux fins du monde à deux ans d'intervalle (...)a déclaré Jean-Louis Fournier sur France-Info: « Moi je l'ai vécu de façon particulière parce que j'ai eu le culot de faire de l'humour sur ma situation ».
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"Où on va, Papa ?" c'est la phrase que prononce Mathieu l'un des deux fils de l'auteur Jean-Louis Fournier, confortablement installé à l'arrière d'une superbe voiture. Peu importe la réponse, il ne l'écoute pas...
Mathieu comme son frère Thomas, né à deux ans d' intervalle, est un enfant handicapé. Des enfant à jamais condamnés à rester des enfants, de jeunes enfants, de grands enfants, de vieux enfants...
Mathieu est parti en éclaireur de l'autre côté du miroir chercher son ballon qu'il a du jeter encore trop loin, quant à Thomas il a de plus en plus de paille dans la tête et parle à Martine ...sa main.
« Quand je pense à Mathieu et Thomas, je vois deux petits oiseaux ébouriffés. Pas des aigles, ni des paons, des oiseaux modestes, des moineaux. De leurs manteaux bleu marine courts sortaient des petites cannes de serin. Je me souviens aussi, quand on les lavait, de leur peau transparente et mauve, celle des oisillons avant que leurs plumes poussent, de leur bréchet proéminent,de leur torse plein de côtes. Leur cervelle aussi d’oiseau. Il ne leur manquait que les ailes. Dommage.Ils auraient pu quitter un monde qui n’était pas fait pour eux. Ils se seraient tirés plus vite, à tire d’aile. »
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Jean-Louis Fournier c'est le papa d'Antivol. Souvenez vous de cet oiseau qui ne pouvait voler car il souffrait de vertige. "En plus, il a du culot, il se moque des oiseaux qui volent, les oiseaux normaux. Comme si Thomas et Mathieu se moquaient des enfants normaux qu'ils croisent dans la rue. Le monde à l'envers."
L'auteur fut aussi à l'origine de la minute nécessaire de Monsieur Cyclopède ("Etonnant, non ?") de son ami Pierre Desproges.
Un livre écrit avec toute la tendresse d'un père qui ne veut pas nier l'existence de ses enfants "pas comme les autres". « Un livre que j’ai écrit pour vous. Pour qu’on ne vous oublie pas, que vous ne soyez pas seulement une photo sur une carte d’invalidité. Pour écrire des choses que je n’ai jamais dites. ».
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La lecture de ce livre est toute à la fois triste et drôle, non pas que l'on puisse se moquer des enfants dits différents mais dans le sens où l'auteur a le recul nécessaire pour ne pas s'apesantir sur son sort. L'auteur est comme ces Auguste effectuant des pirouettes pour ne pas sombrer dans le désarroi le plus total. Il nous parle de ses lutins avec tendresse et affection nous renvoyant à nos interrogations les plus intimes...
« Quand on parle des enfants handicapés, on prend un air de circonstance, comme quand on parle d’une catastrophe. Pour une fois je voudrais essayer de parler de vous avec le sourire. Vous m’avez fait rire, et pas toujours involontairement. »« Comme Cyrano de Bergerac qui choisissait de se moquer lui-même de son nez, je me moque moi-même de mes enfants. C’est mon privilège de père. »
photo AFPClic sur la maison d'édition : Stock