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30 décembre 2008

Où on va, papa ?



Une de mes dernières lectures de cette année 2008 bouleversante teintée d'un humour noir et tendre pour ne pas chavirer dans le pathos.


« J'ai eu envie de raconter l'aventure qui m'est arrivée, c'est-à-dire deux fins du monde à deux ans d'intervalle (...)a déclaré Jean-Louis Fournier sur France-Info: « Moi je l'ai vécu de façon particulière parce que j'ai eu le culot de faire de l'humour sur ma situation ».


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"Où on va, Papa ?" c'est la phrase que prononce Mathieu l'un des deux fils de l'auteur Jean-Louis Fournier, confortablement installé à l'arrière d'une superbe voiture. Peu importe la réponse, il ne l'écoute pas...

Mathieu comme son frère Thomas, né à deux ans d' intervalle, est un enfant handicapé. Des enfant à jamais condamnés à rester des enfants, de jeunes enfants, de grands enfants, de vieux enfants...

Mathieu est parti en éclaireur de l'autre côté du miroir chercher son ballon qu'il a du jeter encore trop loin, quant à Thomas il a de plus en plus de paille dans la tête et parle à Martine ...sa main.

« Quand je pense à Mathieu et Thomas, je vois deux petits oiseaux ébouriffés. Pas des aigles, ni des paons, des oiseaux modestes, des moineaux. De leurs manteaux bleu marine courts sortaient des petites cannes de serin. Je me souviens aussi, quand on les lavait, de leur peau transparente et mauve, celle des oisillons avant que leurs plumes poussent, de leur bréchet proéminent,de leur torse plein de côtes. Leur cervelle aussi d’oiseau. Il ne leur manquait que les ailes. Dommage.Ils auraient pu quitter un monde qui n’était pas fait pour eux. Ils se seraient tirés plus vite, à tire d’aile. »


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Jean-Louis Fournier c'est le papa d'Antivol. Souvenez vous de cet oiseau qui ne pouvait voler car il souffrait de vertige. "En plus, il a du culot, il se moque des oiseaux qui volent, les oiseaux normaux. Comme si Thomas et Mathieu se moquaient des enfants normaux qu'ils croisent dans la rue. Le monde à l'envers."


L'auteur fut aussi à l'origine de la minute nécessaire de Monsieur Cyclopède ("Etonnant, non ?") de son ami Pierre Desproges.

Un livre écrit avec toute la tendresse d'un père qui ne veut pas nier l'existence de ses enfants "pas comme les autres". « Un livre que j’ai écrit pour vous. Pour qu’on ne vous oublie pas, que vous ne soyez pas seulement une photo sur une carte d’invalidité. Pour écrire des choses que je n’ai jamais dites. ».

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La lecture de ce livre est toute à la fois triste et drôle, non pas que l'on puisse se moquer des enfants dits différents mais dans le sens où l'auteur a le recul nécessaire pour ne pas s'apesantir sur son sort. L'auteur est comme ces Auguste effectuant des pirouettes pour ne pas sombrer dans le désarroi le plus total. Il nous parle de ses lutins avec tendresse et affection nous renvoyant à nos interrogations les plus intimes...


« Quand on parle des enfants handicapés, on prend un air de circonstance, comme quand on parle d’une catastrophe. Pour une fois je voudrais essayer de parler de vous avec le sourire. Vous m’avez fait rire, et pas toujours involontairement. »« Comme Cyrano de Bergerac qui choisissait de se moquer lui-même de son nez, je me moque moi-même de mes enfants. C’est mon privilège de père. »
photo AFP
Clic sur la maison d'édition : Stock

24 décembre 2008

JOYEUX NOEL


Lorsque la guerre surgit au coeur de l'été 1914, elle emporte dans son tourbillon des millions d'hommes. Nikolaus Sprink, ténor de l'opéra de Berlin, doit renoncer à sa carrière et surtout à celle qu'il aime, la soprane Anna Sörensen. Le prêtre anglican Palmer et Jonathan, son aide à l'église, quittent l'Ecosse, l'un comme soldat, l'autre comme brancadier... le lieutenant Audebert a laissé sa femme enceinte et alitée. Mais depuis, les Allemands occupent la ville du Nord où la jeune femme a probablement accouché. A moins que le pire ne soit arrivé. Ne rien savoir est la souffrance, qui mine les nuits d'Audebert... Et puis arrive Noël, avec sa neige et ses cadeaux. Ce soir-là, un événement va bouleverser à jamais le destin de tous. L'impensable va se produire : laisser le fusil pour aller, une bougie à la main, voir celui d'en face, lui serrer la main, échanger avec lui une cigarette et du chocolat, lui souhaiter "Joyeux Noël ! ", "Frohe Weihnachten!", "Merry Christmas !"


*Ce film intelligent et sensible traite de la fraternisation dans les tranchées*

Tout est parti d'un livre, Batailles de Flandres et d'Artois 1914-1918 de Yves Buffetaut, que Christian Carion a découvert en 1993. Dans cet ouvrage, le réalisateur est tombé sur un passage intitulé L'Incroyable Noël de 1914, où l'auteur évoque les fraternisations entre ennemis, l'épisode du ténor allemand applaudi par les soldats français, le match de foot, les échanges de lettres...
Suite à une série de désaccords, l'armée française a refusé de prêter ses terrains pour relater ce passage tabou de son histoire. Si plusieurs scènes ont été tournées dans le Nord, la plus grande partie du film a été filmée en Roumanie et en Écosse. Depuis ce tournage manqué, l'Armée française s'est dotée d'une structure pour promouvoir le tournage de films sur les terrains militaires français.


En cette veille de Noël j'aimerais vous rappeler cette citation d'Henry Wadsworth Longfellow

" Si nous pouvions lire l’histoire secrète de nos ennemis, nous trouverions dans la vie de chaque homme un chagrin et une souffrance suffisants pour désarmer toute hostilité. "


et formuler des voeux pour que le Monde tourne plus rond en cette Sainte Nuit...







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Joyeux Noël à toutes et à tous !



3 décembre 2008

J'irai revoir ma Normandie...

Le voyage avait été minitieusement préparé. Date avait été prise avec l'unique parente gardienne du temple de l'histoire familiale
J'avais longuement réfléchi à la lettre que je lui enverrais, choisi les mots pour ne pas la heurter et ne pas l'effrayer. Après tant d'années de silence et d'absence, je ne voulais pas qu'elle se méprenne sur ma venue.
Elle m'a gentiment répondu que j'avais su frapper aux volets de son vieux coeur et que *oui* Elle était d'accord pour que je vienne la rencontrer à L. où j'avais passé, à l'abri d'une maison bienveillante, les plus beaux étés de mon enfance.
J'ai donc refait le chemin à l'envers en ce dernier jour de novembre 2008; j'avais rendez -vous avec l'histoire, la petite, celle de nos familles qui nous construit et qui nous façonne, celle qui nous apprend à grandir aussi.
La petite histoire qui s'imbrique facilement dans la plus grande, celle qui a fait qu'un jour des hommes sont partis non pas la fleur au fusil mais en criant "A Berlin" dans des trains bondés et blindés pour revenir couchés sur les monuments aux morts de leur commune pour certains ou l'esprit torturés à vie par tant de barbarie pour d'autres...
La Gare Saint-Lazare puis celle de Lisieux où de loin j'apercevais la Basilique que j'avais visité en Sa compagnie quelques étés plus tôt...Un souvenir de prières à genoux avec Elle laissant ma mère et ma soeur loin derrière moi...

Le bus avait du retard, je l' ai appelée pour la rassurer. Elle n'était pas inquiète, confiante de mon arrivée. D'ailleurs Elle m'attendait derrière sa fenêtre et dès qu'Elle m'a aperçue s'est levée prestement pour m'ouvrir la porte, oubliant ses presque quatre vingt dix étés...

Joie et émotion des retrouvailles. Les petits plats dans les grands, la belle vaisselle et les couverts en argent...Son regard bleu lavande pétillant et son étonnante mémoire qui ne laisse rien passer...

Par pudeur et parce que cette parenthèse nous appartient tant à Elle qu'à moi, je tairai ce que nous nous sommes racontées mais je ne trahirai pas de secret en vous confiant qu'Elle me fit à l'issue de cette entrevue un des plus cadeau de ma vie.



Les médailles d'Abel François Victorien Marchand ainsi que son portrait en tenue de militaire ne seraient ainsi pas galvaudés dans une quelconque brocante. Rien ne serait bradé sur un site d'enchères. Tout cela resterait dans le cocon d'un appartement familial où la mémoire n'est pas sélective et ne trahit pas les Siens...
De cela, Elle en était consciente et semblait rassurée quant au devenir de ses très "chairs" souvenirs...

J'ai quitté avec émotion ma Grand-Tante mais nous allons nous revoir...bientôt...Depuis nous nous téléphonons, je lui ai envoyé les photographies témoignages de nos retrouvailles et de ses cadres prestement accrochés. Je ne manque pas de saluer mon Grand-Oncle tous les soirs. Je le regarde et je réponds au sourire de ce jeune homme fauché dans la fraîcheur de ses vingt-ans.
Je n'oublie pas ma promesse d'aller le rencontrer dans son carré militaire en Picardie; je laisse passer l'hiver mais ce Chemin des Dames c'est à présent un peu le mien aussi.
Pour l'heure, j'ai rendez-vous à Vincennes. Il est temps de consulter les archives militaires car Abel Marchand fut cité à l'ordre de son régiment ...
Ajout du 11 septembre 2009
Il y eut d'autres visites, des promesses de se revoir qui ont toujours été tenues, l'échange de courriers parfois retardés et par deux fois perdus, égarés (?)...
Il y eut de nombreux appels téléphoniques...et puis sa joie de découvrir mon voyage au Chemin des Dames...
Je retiendrai aussi cette magnifique fête au mois de juillet où nous fûmes conviés parmi quelques ainés à fêter son 90 ème anniversaire.
Une jolie fête où l'on a un peu chanté, bu avec modération et beaucoup rit...Elégante dans sa tenue bleue assortie à ses yeux, coquette et affable elle nous a stupéfait par sa vivacité et son excellente mémoire lorsqu'elle débita (avec le ton s'il vous plaît) et sans préparation (elle a insisté) la comptine des petits vieux et une jolie histoire du siècle passé...
Elle nous avait tenu éveillés jusqu'à minuit, elle m'avait reparlé de mes recherches, de mon courage et de ce côté opiniatre qu'il lui plaisait tant...Je lui ressemblais beaucoup aimait elle me confier...Je me sentais si petite à côté d'elle qui semblait se courber tant et plus...Nous repartions regaillardis d'avoir passé un après midi en sa compagnie...
Puis il y a eu ce mercredi matin où je l'ai trouvée plus fatiguée qu'à l'accoutumée, la machine est usée m'a t-elle confiée...Je lui ai demandé de tenir encore haut la barre, que nous devions encore venir l'embrasser. Date était prise et refixée par écrit pour bien le noter sur le calendrier.
Et puis hier, 10 septembre, la nouvelle comme un couperet, la vieille Dame avait décidé de jeter son bouquet de vie aux orties...Elle était partie rejoindre son mari, un sourire accroché aux lèvres...La bougie s'était éteinte, doucement...
Sa belle Ame envolée...
Tu sais déjà tout ce que je n'écrirai pas ici...mais je confie plutôt à ce blog le compliment comme l'on pouvait l'appeler autrefois que je t'avais écrit lors cette belle journée du 26 juillet dernier.
Chère Tante A***,

C’est avec une grande joie que nous nous trouvons ici,
Nous ta famille, tes voisins, tes Amis
Pour célébrer dans la joie et l’Amitié tes 90 années

Je ne manquerai pas d’associer à nos pensées
Ton fidèle mari et complice
Notre Cher et regretté M***

Je pense aussi à tous ceux qui nous ont précédés
La famille Marchand au complet
Dont je ne me lasse guère d’entendre les histoires contées

L*** et la Normandie
Sont à ton cœur à tout jamais liés
Tu y es née, tu y as travaillé
Chacun a pu tour à tour louer ta gentillesse et ta disponibilité

Malgré les épreuves de la Vie
Tu as su le sourire et l’énergie garder et je rends Grâce au Seigneur de te préserver longtemps en santé

Je formule le souhait de nous retrouver dans quelques années,
Le jour de ton Centenaire mais à présent il est temps :
De tous te souhaiter
« UN BEL ET HEUREUX ANNIVERSAIRE ! »

Maryline Juillet 2009